L’intelligence artificielle n’est plus une promesse : c’est une révolution industrielle, économique et culturelle déjà en marche, dans nos usines, nos bureaux, nos hôpitaux comme dans nos écoles. La question n’est donc plus de savoir si nous prendrons ce tournant, mais comment nous le prendrons. Ma conviction est claire : seule une stratégie européenne ambitieuse nous permettra de préserver notre souveraineté et d’affirmer un modèle différenciant face aux États-Unis et à la Chine.
Ce modèle, c’est celui d’une intelligence artificielle éthique, transparente, respectueuse de nos valeurs démocratiques et de nos droits fondamentaux. Une IA “”propre qui refuse le biais, intègre l’exigence de diversité et place la personne humaine au centre. Loin d’être une contrainte, cet engagement est un avantage compétitif décisif : dans un monde où la confiance devient une condition de l’innovation, la France et l’Europe peuvent prendre l’avantage en incarnant la voie d’une technologie à la fois performante et responsable.
En tant que co‑rapporteure de cette mission d’information, j’ai conduit, avec Antoine Golliot, une série approfondie d’auditions auprès de l’ensemble de l’écosystème — dirigeants et dirigeantes industriels, start‑ups, chercheurs, syndicats, acteurs de la formation et des territoires. Nous avons ainsi entendu Anne Bouverot, le MEDEF, L’Oréal ou encore Yann Le Cun. De ce travail, une exigence s’impose : décloisonner. Décloisonner la recherche et l’industrie, les grands groupes et les TPE‑PME, le public et le privé, Paris et les territoires. Car seule la création d’un véritable écosystème, fondé sur la synergie entre tous les acteurs, permettra de transformer l’essai.
La France n’est pas spectatrice : elle dispose de champions technologiques, de Mistral AI à un écosystème d’innovateurs actifs dans la santé, l’industrie, la mobilité ou l’agriculture. Mais pour transformer ces réussites en avantage compétitif durable, il faut accélérer : former davantage, accompagner, financer mieux. Et surtout, corriger les biais structurels en favorisant la diversité des talents, avec une priorité absolue donnée à l’orientation des jeunes filles vers les sciences et le numérique. C’est une condition de justice sociale, mais aussi d’efficacité économique : l’IA ne sera réellement performante que si elle est inclusive.
Nos dix recommandations tracent une feuille de route opérationnelle : diffuser l’usage de l’IA auprès des TPE‑PME via les réseaux consulaires et un mentorat dédié ; investir dans des IA sectorielles sobres et responsables ; bâtir une stratégie industrielle européenne intégrant calcul, cloud et données pour garantir notre souveraineté ; encourager un label «Territoire IA souverain» ; mobiliser la commande publique comme levier d’innovation ; combler notre retard de financement ; former à tous les âges de la vie ; organiser un dialogue social tourné vers l’avenir ; et renforcer l’effort de recherche et de R&D.
Ce rapport n’est pas une fin mais un point de départ. La souveraineté numérique ne se décrète pas : elle se construit par des actes, par des choix politiques clairs et des investissements stratégiques. C’est à nous d’écrire cette nouvelle page industrielle et culturelle. Je suis convaincue que la France et l’Europe peuvent réussir ce moment charnière si elles font de l’IA non pas une menace subie, mais une conquête maîtrisée.

"L'IA pour tous"

Forum associatif du 17e arrondissement
